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Décidément, la femme serait-elle condamnée à rester éternellement objet ?

Clips vidéo

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Décidément, la femme serait-elle condamnée à rester éternellement objet ?

 

Clap ! Et c’est parti. Une jeune fille fait mouvoir ses reins, secoue ses fesses, le dessous transparent, ou encore exhibe sans vergogne ses ‘’ganglions thoraciques provocateurs’’ à vous faire souvent tourner la tête et à vous faire couper le souffle,  en somme une fille aux mœurs légères. C’est la scène que nous servent quotidiennement la plupart des clips vidéos avec la complicité des chaînes de télévision nationales comme internationales. En effet, plusieurs concepts musicaux tournent autour de la femme à l’instar du couper décaler et ses nombreuses tentacules, les afrobits, etc. Si ce n’est pas une fille qui est en train de ‘’gigoter’’, ce sont des embrassades qu’on voit. La musique africaine n’en est épargnée, elle qui constitue une sorte de reflet de la mode occidentale souvent avec aucune modération. La femme, notamment africaine y est omniprésente comme la poussière l’est à Ouagadougou même en saison pluvieuse. On pourrait s’écrier : « enfin, la femme africaine redore le blason de son image, elle qui était autrefois considérée comme la gardienne de foyer ou l’animal à ‘’pondre’’ des enfants ou encore une bête de somme selon les sociétés données ». Si ce constat s’avère vrai, cela n’est donc pas sans réjouir les Africains pour ne pas dire les Bouts de bois d’Ebène que nous sommes. Mais la réalité au-delà des images est tout autre.

En toute chose, il y a les faits et la manière de les présenter. De façon explicite, il y a la femme et la manière avec laquelle elle est présentée dans les clips vidéo. C’est une image souvent choquante, ahurissante et dépravante avec laquelle on nous matraque quotidiennement.

Silence, on abuse de la femme…

On se rappelle bien le remue-ménage qu’avait entraîné la diffusion sur la chaîne nationale du Burkina d’un feuilleton dénommé ‘’Au cœur du péché’’. Ladite chaîne avait été auditionnée le 18 janvier 2008 par la « commission chargée de la liberté de la presse, de la publicité, de l’éthique et de la déontologie dans les médias » du Conseil supérieur de la Communication pour enfreinte aux dispositions légales en vigueur dans le pays.

Revenons aux clips vidéo et disons-le clairement et en toute sincérité : on abuse de la femme pour faire vendre les clips vidéo, tout comme un animal dressé au bon vouloir de son maître et qui lui obéit presque au pied de la lettre, taillable et corvéable à la merci des réalisateurs, des producteurs et des artistes musiciens. Autrement dit, on présente la femme en général et africaine en particulier, comme une prostituée qui déambule aux abords d’une certaine avenue devenue célèbre en la matière dans la ville que l’écrivain Aimé Césaire a appelée la capitale de la boue sèche, Ouagadougou, la « jupe assez longue pour couvrir l’essentiel et assez courte pour susciter l’intérêt », le buste découvert et les lèvres badigeonnées de rouge à lèvres.

Ce qu’on nous sert dans les clips vidéo notamment africains, c’est une femme aux cuisses découvertes, aux seins en ‘’poupe’’, aux fesses expressément mises en exergue pour aduler les spectateurs qui, pour la plupart, sont des jeunes donc très sensibles et influençables. De là, découlent bien d’interrogations légitimes. Pour qui sont destinés les clips vidéo ? Sont-ce les téléspectateurs qui en réclament ou est-ce un effet de la mode ?

Quand on scrute bien la manière dont fonctionnent les médias, les télévisions en particulier, on peut dire, sous réserve, que la demande en la matière est si forte qu’elles ne peuvent pas résister un tant soit peu à nous offrir pareilles scènes. Et quelle chaîne de télévision ne voudrait pas voir accroître le nombre de ses téléspectateurs par l’intérêt qu’ils accordent à ses programmes ? Mais où place-t-on donc la morale dans tout cet imbroglio ? En clair, la femme, ça sert à tourner des clips, malgré qu’elles sont souvent payées en monnaie de singe ou même le font gratis pro deo. Et ça marche ! Et rares sont les clips vidéo où la femme est absente. Les conséquences aujourd’hui sont frappantes dans nos vies quotidiennes.

Les conséquences sont multiples sur notre société !

A chaque cent mètres dans la ville de Ouagadougou, la friperie se deale à gogo. On veut ressembler à tel personnage d’un clip. Cela se constate en circulation ou dans les habitudes vestimentaires. Les jeunes filles s’habillent de façon légère, des filles dont le comportement laisse à désirer. Et quel homme voudrait présenter une telle fille comme sa promise à sa famille ? Conséquence, on a beaucoup de jeunes filles qui sont célibataires et le resteront sans doute si elles ne changent pas leurs habitudes pour en épouser de bonnes, convenables à nos sociétés actuelles. Où allons-nous donc ? Et que faisons-nous ?

Pour le moment, on n’a jamais entendu une réaction officielle concernant certains clips vidéo dépourvus de moralité et qui frisent la pornographie et pourtant diffusés sur les chaînes de télévision sur le territoire burkinabè. On sent une certaine impuissance des autorités et autres organisations de défense des droits de la femme. Du coup, les enfants, les adolescents et les jeunes sont exposés. Ils vont grandir avec ces images en tête qui impacteront leurs comportements, si rien n’est fait. Et après, on s’écrira comme au temps des  Romains : « O tempore, o mores ! »[1] Que donc faire ?

De l’engagement de tous et de l’éducation aux médias

Tout le monde doit d’abord se sentir concerné par ce problème et reconnaître que cette façon de présenter la femme, africaine, constitue un danger serait une réelle avancée. Pour ce faire, les parents ont un grand rôle à jouer en ce qu’ils doivent faire comprendre à leurs enfants que tout n’est pas à imiter dans un clip vidéo, que ce n’est en réalité qu’un pur et dur mixage de prises de vue, les acteurs incarnant des rôles qui leur sont assignés. Les diffuseurs se doivent aussi d’apporter leur contribution. Il faut tenir compte par exemple de la signalétique jeunesse c’est-à-dire prévenir si tel ou tel clip peut être visionné par un enfant, un adolescent ou des âmes très sensibles. Enfin, l’implication des autorités dans cette lutte commune, si c’en devient une, de sorte à mettre des barrières et prendre des dispositions à l’encontre de tous ceux qui viendraient à enfreindre ces barrières. C’est ce qu’on appelle aussi l’éducation aux médias !

 

Yéroséo Aris KUSIELE SOMDA

 



[1] Traduction française : « Ô temps, ô mœurs »



10/10/2014
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