Situation politique ivoirienne Prenez votre chaise et essayez-vous : le film politico militaire est plein de suspens
« Abidjan est le plus doux au monde ». C’est souvent cette métaphore qui utilisée pour qualifier la capitale de la Côte d’Ivoire et par ricochet ce pays de l’Afrique de l’Ouest à forte dynamique économique et d’innovations. Premier producteur mondial du fruit de l’anacardier ou ‘’l’or gris’’, premier producteur mondial du cacao, la Côte d’Ivoire a eu néanmoins un douloureux passé politico-militaire regrettable à tout point de vue. Les mutineries à répétition d’ancien rebelles réintégrés à l’armée, des grèves sans fin au cours de l’année 2017 ont fini par révéler encore la fragilité de ce pays. On croirait au retour des démons de la crise post-électorale de 2011. Laurent Gbagbo est toujours gardé à la Cours pénale internationale (CPI) malgré les multiples demandes de libération provisoire, des verdicts sont déjà tombés comme celui de Hubert Oulaye, ancien ministre de la Fonction publique de Laurent Gbagbo qui écope de 20 ans de prison. L’ex-première dame purge ses vingt ans de prison. Nous sommes en 2018, à deux ans de la fin du mandat de l’actuel président Alassane Dramane Ouattara (ADO) dont les ambitions sont pour très floues au regard de la situation politique et des rivalités entre le président de l’Assemblée national Guillaume Soro et le préféré d’ADO, Hamed Bakayoko. 2018 reste une année de hauts défis pour cette manne de l’Afrique de l’Ouest qu’est la Côte d’Ivoire.
C’est un secret de Polichinelle : la Côte d’Ivoire dispose de solides atouts économiques qui font d’elle une des puissances de la sous-région. Deuxième port d’Afrique subsaharienne, import réseau routier, aéroport international agrandi, premier producteur mondial du café cacao et des fruits de l’anacardier, raffinage du pétrole brut, forte activité bancaire, autosuffisance énergétique… Voici quelques atouts de ce pays qui vise à accéder au rang d’économie émergente en 2020. Si tout semble rose sur le plan économique, la situation politique n’est pas sans inquiéter plus d’un observateur.
Vers une armée véritablement républicaine
En effet, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO), dans son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an 2018, a déjà planté le décor : « Notre objectif à présent, à travers la loi de programmation militaire, est d’accélérer l’amélioration des conditions de vie des forces armées, de restaurer la discipline, de la moderniser et de la transformer en une armée véritablement républicaine, c’est à dire une armée réconciliée dans ses différentes composantes. » Allusion est ici fait aux différentes mutineries d’anciens rebelles intégrés dans l’armée et qui ont fini par obtenir le paiement de primes non négligeables. Le développement et la paix, la lutte contre le terrorisme, l’immigration clandestine vers l’Europe sont autant de défis que compte relever le pays, selon ADO, sans oublier l’organisation des élections municipales, régionales et sénatoriales qui auront lieu en 2018.
Nous sommes donc en 2018, à deux ans de la fin du deuxième mandat de ADO qui entretient depuis un certain temps le flou sur sa probable candidature. « En politique, on ne dit jamais non », avait déclaré celui-ci à nos confrères de France 24 en novembre 2017 avant de leur demander de prendre leur mal en patience jusqu’en 2020 où il donnera sa réponse officielle.
En revanche, on sait que le moins ambitieux Guillaume Soro qui était en froid avec ADO a fini par intégrer le Rassemblement des Républicains (RDR) en tant que vice-président du parti chargé de la région de Tchologo dans l’extrême Nord. Ne confie-t-il pas d’ailleurs que seule une candidature du chef de l’État, ADO, le fera renoncer à la sienne pour la présidentielle de 2018 ?
‘’Seul ADO sait s’il se présentera ou pas’’
La nouvelle Constitution adoptée en 2016 avec la suppression de la limite d’âge permet à ADO de se représenter même si celui-ci avait laisser entendre auparavant sa lassitude au pouvoir. Pour l’heure seul ADO sait s’il se présentera ou pas aux élections de 2020. Une attitude adoptée également par son allié Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Ce dernier attendrait que le RDR d’ADO fasse balle à terre et tienne ses promesses en s’alignant derrière le candidat du PDCI. Mais qui du PDCI est ‘’présendentiable’’ ? se questionnent évidemment les cadres du RDR d’ADO, non sans ironie. Soit ! Un simple accord sur un candidat suffirait-il à faire passer l’épée de Damoclès qui pèse sur ce pays ?
Si ADO se présente, il aurait enfreint à leur close d’alliance. Ce qui pourrait faire courroucé l’éléphant de la politique ivoirienne sans qui le RDR ne pourra pas renouveler son 3e mandat.
Reste à savoir qui de Guillaume Soro ou de Hamed Bakayoko sera porté candidat, avec le risque de casser l’alliance RDR/PDCI.
La solution serait peut-être du côté de l’opposition ? Mais là aussi, elle peine à se frayer un chemin après les vaines tractations sur le sort de leur désormais mentor Laurent Gbagbo.
Peut-on alors espérer un deus ex machina ? En attendant, l’ancien burkinabè président Blaise Compaoré coule paisiblement ses jours en Eburnie. Quand on sait que ce dernier a joué un grand rôle dans l’avènement de ADO au pouvoir, il aurait aussi intérêt à ce que ce soit un proche celui-ci qui prenne les rênes du pouvoir pour ne pas, dans le cas contraire, être extradé dans son pays conformément à la demande de la justice burkinabè. Mais là, ce ne sont que pieux vœux, et la clé de l’avenir ivoirien appartient au peuple ivoirien qui n’a pas encore fini de panser les douleurs de la crise post-électorale de 2011. C’est à lui de savoir distinguer le bon grain de l’ivraie, de choisir son destin, en un mot. Mais comme nous sommes en politique, rien n’est gagné d’avance et le peuple reste souverain.
À l’intention donc des amateurs de films politico militaires, prenez votre chaise et essayez-vous : le film ivoirien est plein de suspens.
Aris SOMDA
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