MISSIVE A TONTON SYMPHORIEN SOMDA
Je ne sais pas si vous pourrez lire ce message sur le net ou ailleurs, mais j’ai tout de même foi que « les morts ne sont pas morts ». C’est pourquoi, cher oncle je vous écrit cette missive. Je ne sais pas à quelle adresse l'envoyer, vu que vous ne nous l’avez indiquée avant votre « grand voyage ». A la veille de ce deuxième anniversaire de votre départ impromptu, mon coeur s'épanche encore de douleur en vous adressant ce mot.
©Aris SOMDA
En effet, le dimanche 21 juin 2015, alors que je revenais de mon « salamalech » dominical, j’ai eu peur de rentrer prendre mon téléphone portable que j’avais délibérément laissé en chambre, craignant le pire. Et le pire s’invita !
Je vis un appel en absence dès que je pris le téléphone. C’était tantie Catherine qui venait de me manquer. J’hésitai à la rappeler mais pris mon courage à deux mains comme un enfant qui vient son redoutable camarade de classe dans la rue, tout seul. Je pris donc mon téléphone, tout doucement, mais sûrement, je me disais qu’elle allait me dire le contraire de ce que je craignais. Et finalement, elle m’annonça : « tu as appris la nouvelle non ? tonton n’est plus. On est à la morgue ». Je n’eus pas la force de dire un seul mot et déjà le film de votre vie me venait en tête. Et c’est la dernière partie de ce film qui me tourmentait le plus.
Une semaine, et oui, une semaine que vous avez passé sans pouvoir avalé une gouttelette de salive. Vous avez souffert lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche : cela me rappelle les sept jours de la création : il y eut un matin, il y eut un soir. Et nous espérâmes tous que vous recouvririez vite au prix de quelques séquelles.
Vous devriez vous rendre à Dissin le jour même où vous ressentîtes le malaise pour former de jeunes journalistes, comme un vétéran devant des novices. Mais c’est plutôt une escorte funéraire qui vous y conduira dans votre village d’origine : Dissin Gora.
J’ai encore souvenance de cet instant à la morgue où tante Kouloum (Flore) s’écroula certainement sous le coup de la douleur en accourant : « ça fait mal, ahahaa ». Je me souviens de toutes ces personnes désemparées qui ont accouru dès l’annonce de la nouvelle. Comment est-ce possible ? Tonton Symphorien est morrrttt !!!
Je n’oublierai jamais la joie que vous aviez de vivre malgré les impedimenta, les coups bas d’ici-bas. J’aimais bien votre détermination à donner bonne image à la grande et belle famille Kusiélé. D’enseignant du primaire, vous êtes devenu une référence en journalisme radio à la chasse de l’information pour « éduquer » le peuple.
Je retiens également que vous étiez un homme simple, ouvert, de bonne humeur avec ce rire caverneux dont vous seul aviez le secret et la subtilité.
Vous manquez énormément à vos collègues, vos amis, vos proches, et surtout votre famille. Vous manquez à votre femme, à Lynda et Prima, à Orly, votre petite-fille que vous n'avez pas pu voir, et à moi aussi.
Pour ma part, j’espère que la terre de Dissin Gora vous est légère. Je suis là où vous-même n’ignorez pas, tentant de relever d’énormissimes défis. J’espère aussi que vous pensez à nous là où vous êtes et que vous veillez sur nous ici bas.
En tout cas, deux ans après votre départ, nous peinons à croire cette réalité pourtant si têtue ! Grand-maman, qui est votre maman, vous pleure souvent. Elle aurait préféré partir à votre place. Mais hélas, elle souffre dans son for intérieur de devoir vivre sans vous, vous qui ressembliez tant à son défunt mari, Monsieur Lucas, lui aussi brutalement arraché à la vie.
Pourquoi la mort nous fait tant de peine
Mort silencieuse et violente
Mort insolite et macabre
Mort douloureuse et regrettable
Mort coléreuse et folle
Mort fantoche et louvoyeuse
Mort hypocrite et vengeresse
Mais, honte à toi! Tu ne nous arracheras pas la joie de vivre malgré l'absence que tu causes dans nos cœurs.
Nous allons triompher de toi. Tu verras.
Bref, avant de terminer, cher oncle, je voudrais vous faire part du décès de votre oncle, "tonton frère Bernard". Je sais que vous êtes déjà au courant, mais je vous informe tout de même.
A bientôt pour une autre missive, dear uncle!
Votre neveu, Aris
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