Humeur
Jusqu’où on peut pousser le bouchon ?
L’affaire Griveaux a eu le mérite de remettre sur la table l’éthique en politique (jusqu’où on peut se permettre les coups) d’une part, et de susciter le débat sur la sincérité de nos relations humaines en couple d’autre part. Attardons-nous sur le dernier point : les relations intraconjugales. Entendons par relations intraconjugales les relations entre personnes mariées légalement ou non… on peut même l’étendre au simple couple pacsé, fiancé. Contexte oblige, attardons sur les cas des relations intraconjugales en Afrique, et si vous le voulez au Burkina.
Nikita (nom d’emprunt) est mariée (célébration traditionnelle) à Idrissa (nom d’emprunt aussi). Seulement l’histoire de Nikita va peut-être vous laisser perplexe.
Elle commence justement à l’Université où elle a fini par tomber dans le piège de certaines jeunes filles qui livrent leurs services (vous voyez de quoi je parle) à des enseignants (sans scrupule) contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes et/ou de très bonnes notes. Elle en a pris goût au point où aujourd’hui, Nikita a pu rencontrer Idrissa, un jeune fonctionnaire qui a placé son espoir en elle. Peut-on parler de confiance d’autant plus qu’aujourd’hui elle est allée s’attachée les services d’un charlatan pour maîtriser son homme. En d’autres mots, elle est sur le point (ou l’a déjà fait) d’envoûter son mari pour qu’il puisse lui offrir tout ce qu’elle désire y compris l’argent. Oui, l’argent, l’argent et l’argent !
Y a-t-il de l’amour de part et d’autre ? Peut-être oui peut-être non. Mais ce qui est peut-être déplorable c’est que Idrissa pense qu’il a une perle à la maison, il est fier de dire à ses collègues qu’il est marié (oui le mariage traditionnel est aussi un mariage !). Il est peut-être joyeux de rentrer chez lui à la maison, de retrouver Nikita, de lui confier ses peines et ses joies de la journée, ses secrets. Mais ce qui importe Nikita, c’est comment lui soutira toujours de l’argent. De là découle quelques questions existentielles.
Enfant des gens n’a qu’à travailler
Combien d’Idrissa et de Nikita rencontrons-nous chaque jour ? Pourquoi me servir de l’autre pour parvenir à mes fins ? Avons-nous le droit de prendre en otage la vie d’autrui quand Dieu lui-même (pour ceux qui croient encore) donne libre cours à ses propres créatures ? Savons-nous au bout de quel sacrifice l’un ou l’autre est parvenu à ce qu’il est ? Ne sommes-nous pas au final responsable de notre avenir, même si on n’a pas forcément demander à venir au monde ? Au final, peut-on avoir encore le courage de s’acoquiner avec un quidam en ces temps qui courent ? Ce n’est certainement pas pour rien si un artiste musicien ivoirien, en rétorquant à un autre (clash musical) et au-delà de l’humour de la chose, en est arrivé à dire ceci : « Enfant des gens n’a qu’à travailler ! » En d’autres termes, il ne faut pas tout attendre de son homme et vice-versa.
Ces questions, autant elles valent pour un couple, elles valent aussi pour nos relations humaines tout simplement qui, aujourd’hui, sont truffées d’insincérité inouïe !
Peut-être que si chacun y mettait un peu de philosophie dans sa vie, les couples se porteraient mieux (oui, c’est vrai l’amour a sa raison que la raison elle-même ignore et ce, même dans les questions pratiques ?) !
Le récit de vie de ce couple de 50 ans d’union est particulièrement éloquent et nous fait croire néanmoins en la beauté de la vie à deux, tant que l’un n’en fait pas une prison pour l’autre.
En attendant, célébrons la vie, car même si elle est insipide souvent, elle mérite qu’on la vive ne serait-ce que pour les personnes qu’on aime ou qu’on a aimées sincèrement et qui ne sont plus de ce monde au-delà de leurs faiblesses humaines.
Allô tonton Sympho, c’est Aris, Allô ?!!! Allô
Allô, allô, allô, c’est Aris. Allô tonton, tu m’entends ? ça doit être un problème de réseau. Allô, alloooooooo.
Je t’appelle en vain. Beh je te laisse ce message vocal, au cas où tu pourrais l’écouter après.
À vrai dire, ça fait maintenant près de trois ans que nous tentons de te joindre mais en vain. Ton téléphone sonne toujours fermé. Tu es parti, tu t’es effacé, tu t’es éclipsé, tu t’es glissé, nous laissant tout pantois. Tu aurais dû nous prévenir avant de partir.
Regarde comment tes amis ont dansé à tes funérailles, fous de rage.
Les jambes en l’air, ils sautaient, les larmes dégoulinant le long des joues, la gorge nouée, le regard hagard.
Regarde comment ces femmes ont dansé au rythme envoutant des balafons et aux voix enivrantes des cantateurs ;
Primaelle t’a pleuré comme jamais ;
Lynda t’a regretté
Et tantie… que dis-je !
Ils t’ont mis dans un cercueil, comme si c’était ta place là-bas. Ensuite, des bras valides t’ont soulevé et t’ont amené…
Ils t’ont amené devant l’entrée de la porte d’entrée de Kito yir. Ils ont déposé le cercueil, ils t’ont descendu à l’aide d’une corde dans un trou et placé à côté de ta grand-mère Adèle. Ils t’ont refermé avec une dalle. Et en une pelée, deux pelées, te voici sous terre.
Moi qui pensais que c’était juste pour que tu explores les profondeurs des abîmes et nous revienne conter ce qui se trame là-bas ;
Moi qui pensais que tu blaguais avec une mise en scène digne d’un film de haute fiction !
Mais le temps est en train de m’ouvrir les yeux sur la réalité têtue que tu n’es plus de ce monde ;
Un monde où l’on se croit infini jusqu’à ce que la mort nous démontre tout le contraire ;
Et finalement tout n’est que vanité, comme disait l’Ecclésiaste : « Vanitas vanitatum, omnia vanitas »
Tu nous manques. Et plus les années passent, plus le fossé de ton absence se fait plus profond.
Tu nous manqueras à jamais, toi au rire si caverneux dont toi seul a le secret ;
Toi aux gags si hilarants
Je me rappelle les séquences de blagues à la radio Gaoua où tu illuminais les auditeurs par ces plaisanteries les samedis ;
Tu manqueras à chaque seconde de nos vies, à nos moments de délire, à nos moments de joie et de peine, à nous en un mot.
Mais moi, je pense que cela n’est que pure fiction ; j’en suis convaincu !
Tu nous reviendras, le dos bossu, arborant veste et cravate ou un boubou ;
Tu nous reviendras, plein de sourire.
Tu nous diras : « Qu’est-ce que vous croyez ? Moi, Sympho, mort ? Non, j’étais juste de l’autre côté ! »
Et là, nous sauterons de joie ;
Grand-maman sera ivre de joie ;
Klom (tantie Flore) sera enthousiaste ;
Ta dulcinée sèchera ses larmes ;
Tes petits/petites fils/filles sauront alors que tu étais quelqu’un de bien
Au cœur aimable, qui ne garde pas rancune, et qui donne sans compter.
Moi, j’attends ce jour, imperturbable, comme un molosse.
Si tu écoutes ce message vocal, rappelle-moi s’il te plaît, tonton Sympho.
On t’aime énormément
Ton très cher neveu Aris
Crise politique au Togo : Faure veut le dialogue mais l’opposition réclame son départ !
À l’orée de la nouvelle année 2018, nous avons décidé de scruter la politique et les ambitions de certains chefs d’État africains qui pourraient porter un coup au vivre-ensemble de leurs peuples respectifs. Et pendant que nous scrutions justement ces pays africains, l’actualité nous a encore conforté une fois de plus sur un pays sur lequel nous avions jeté notre dévolu au regard des soubresauts qu’il connaît depuis août 2017. Vous l’aurez peut-être deviné qu’il s’agit du Togo. En effet, au moment où la communauté internationale s’indignait encore des incartades diplomatiques des États-Unis à travers son président Donald Trump qui a décidé de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capital d’Israël, un des rares pays africains figurait sur la liste des pays qui ont voté avec les États-Unis et Israël contre la condamnation par l’ONU du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Il s’agit bien du Togo de Faure Gnassingbé Eyadema. Mais que se passe-t-il dans ce petit pays d’Afrique subsaharienne qui connaît depuis quelques mois une crise sans précédent ? Que cache Eyadéma fils dont le père a régné de 1967 à 2005, après un coup d’État qui le portera à la tête du Togo jusqu’à sa mort ?
Dans son rapport rendu public mi-décembre 2017, l’Africa Performance Index (API) indique que le Togo aux côtés d’autres pays comme le Sénégal, la Tanzanie et la Côte d’Ivoire se démarquait grâce à « l’organisation de dialogues publics sur le futur de la finance, des régulations finances et de l’inclusion financière ». Une révélation qui n’est pas loin de la réalité rien qu’à fouler le pied sur la nouvelle aérogare ultramoderne et sécurisée de Lomé. Une capitale qui attire de plus en plus d’investisseurs et de touristes, sans parler parler de son port qui est en plein essor et des nombreuses banques qui y ont leur siège social. Ce qui en dit long sur le climat des affaires que l’Etat veut sain et la hargne d’en finir avec la pauvreté à travers le lancement de programmes destinés à soutenir l’entrepreneuriat dans le monde rural.
Mais depuis le 19 août 2017, les rues togolaises sont enclines à plusieurs manifestations suite à l’appel de l’opposant Tikpi Atchadam. On compte alors des morts et des blessés, des bâtiments incendiés, des infrastructures dégradées. Ce qui entache justement le climat social et économique. Comment en est-on donc arrivé là ?
L’opposition réclame le retour à la C.92 et le départ inconditionnel de Faure
En effet, la coalition des 14 partis politiques exige le retour à la Constitution de 1992, qui instaurait une limitation des mandats présidentiels, des réformes institutionnelles (refonte de la Commission électorale nationale indépendante, toilettage du fichier électoral) et le départ inconditionnel du président Faure. Un scénario qui ressemble fort bien à celui du Burkina Faso dont le peuple a fini par chasser Blaise Compaoré en 2014 qui, lui, voulait sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel consignée dans l’article 37 de la Constitution burkinabè.
Dans le cas togolais, l’amendement de trois articles de la Constitution sont à l’origine de ses manifestations. En effet, l’article 52 stipule ceci : « les députés sont élus au suffrage universel direct et secret au scrutin uninominal majoritaire à un (1) tour pour cinq (5) ans. Ils sont rééligibles. Chaque député est le représentant de la Nation tout entière. Tout mandat impératif est nul ». Quant à l’article 59, il précise que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans. Il est rééligible ». Enfin, il est dit que « l’élection du Président de la République a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un (1) tour » et qu’il « est élu à la majorité des suffrages exprimés ».
La nouvelle mouture dont l’avant projet est soumis à l’Assemblée Nationale limite le mandat des mandats parlementaires (députés et sénateurs) et présidentiel (5ans, renouvelable une fois) et fixe mode de scrutin pour l’élection présidentielle (scrutin uninominal majoritaire à deux tours). Tout semble alors « clean », mais pourquoi alors s’égosiller dans les rues ?
‘’Je suis triste pour mon pays’’
Selon un proche de Gnassingbé, cette réforme viserait à renouveler et à rajeunir la classe politique togolaise. En plus de cela, la limitation à deux mandats et le scrutin à deux tours sont conformes à la Constitution du 27 septembre 1992. Cependant, le pouvoir souligne la non retroactivité de ces réformes. Ce qui veut dire que Faure pourrait se présenter aux élections de 2020 et s’il l’emporte, il pourrait encore se porter candidat en 2025 et espérer quitter le pouvoir en 2030. C’est là que se situe la pomme de discorde.
Dans une interview donnée par ce dernier au journal Jeune Afrique, le président togolais dit comprendre, à ce sujet, « l’impatience » de ses adversaires politiques tout en appelant au respect de « l’État de droit ». Sa préoccupation serait immédiate : celle de « sortir de ce moment difficile afin que les Togolais retrouvent quiétude et sérénité et se remettre dans le sens de la marche ». Il convient même au risque lié à la réputation de son pays qui est désormais réel auprès de la communauté internationale et des investisseurs avant de s’épancher : « Je suis triste pour mon pays ».
Vrai ou faux. On ne saurait authentifier sa sincérité. Mais une chose est sûre, tant que le dialogue ne s’instaure pas vite et bien, cette situation risque fort bien de coûter la peau des fesses à une partie : l’opposition ou le parti au pouvoir ? Pour l’heure, le président Faure n’est pas prêt à quitter le pouvoir et pourrait même se présenter aux élections de 2020 si toutes ces réformes passent au crible du référendum. Mais on ne sait pas non plus exactement ses ambitions politiques.
En rappel, l’histoire récente de certains pays voisins du Togo a montré que la rue a souvent raison du pouvoir. Pour l’heure, l’opposition joue sur cette note et ‘’met ainsi le feu derrière’’ le président Faure afin de revenir à l’ancienne Constitution et pour qu’il lâche le pouvoir hinc et nunc. Il y aurait donc beaucoup à craindre pour ce pays s’il n’annonce pas son départ ou ne donne pas des gages de bonne foi à l’opposition en 2018.
Aris Kus
Fêtes de fin d’année 2017 : Fêter oui, mais prudence d’abord !
C’est déjà les fêtes de fin d’année 2017. Les uns et les autres vont bientôt enterrer l’année 2017 avec toutes ses péripéties, affreuses ou joyeuses, pour repartir de zéro avec l’année 2018. Mais pour l’instant, les esprits sont un peu tendus vers ces fêtes. Que nous réserve cette nouvelle année qui pointe à l’horizon ?
« Y a pas layant dans pays-là, c’est mal mou ». C’est ce que mon boutiquier m’a confié ce matin. Mais enfin, ce n’est pas une nouvelle en tant que telle. C’est comme s’il me disait : « Tiens, il y a la poussière à Ouagadougou. » Mais zut, le président de l’Assemblée nationale a dit que le Burkina Faso était le premier élève en matière d’économie : « Notre pays a réalisé cette année la meilleure croissance économique dans toute l’Afrique. » Il faisait ainsi allusion au dernier rapport de l’Africa Performance Index (API). Mais pourquoi alors mon boutiquier dit qu’il n’y a plus d’argent dans ce pays-là ? Mais pourquoi alors tant de grognes sociales qui ne trouvent pas hélas de compromis ?
Mais de ce que j’ai pu observer c’est que petit à petit mais surement, les commerçants commencent à faire affaire. Mais comme il n’y a pas d’argent, on va encore emprunter partout où ce sera possible pour préparer la bouffe. Et après on va solder. Ainsi va la vie ! Il faut quand même jouir de la vie non ? Oui…
Les gens viendront manger et boire chez toi, ils s’en iront en te bénissant : « Que Dieu nous longue vie ! » Et tu répondras : « Amen ! » C’est aussi ça la vie.
Je puis vous rassurer qu’il y a des gens qui ont commencé à se cotiser depuis le 1er janvier passé pour ces fêtes de fin d’année. Les amis se retrouveront dans tel maquis ou même tout simplement à domicile. En tout cas, il y en a qui vont trop bien jubiler pendant ces fêtes.
Les fêtes de fin d’année, c’est aussi l’occasion pour les jeunes filles de ‘’raquetter’’ les uns et les autres pour se faire les plus belles coiffures et s’acheter les plus belles tenues. Qui est folle pour se négliger, surtout dans la capitaaaaaaaaale en temps de fête. Inutile de dire que pendant ces moments qu’il y a souvent rupture, temporaire ou sempiternelle, dans les couples. Madame veut ça, monsieur n’en a pas ! Madame ne comprend pas, elle s’emporte ! Monsieur s’emporte aussi, et voilà la bagarre qui commence. Bref !
Direction village
Les fêtes de fin d’année, c’est l’occasion pour se saouler la gueule, noyer ses problèmes dans la bière ou la liqueur, oublier ses déboires, et que sais-je encore. C’est l’une des rares occasions où tu peux boire cadeau et manger cadeau, chez le voisin, chez le voisin du voisin, chez ton ami, chez l’ami de ton ami, chez Monsieur le sinistre, et j’en passe.
Les fêtes de fin d’année dans la capitale, c’est enfin le moment où l’on a le plus d’accidents souvent même mortels. C’est l’effervescence, l’alcool coule, et quand le cervelet est mouillé, on contrôle plus ses actions en circulation. Et paff ! On a causé un accident. Pour sûr, nos braves pompiers n’auront pas de repos. Et que dire des médecins alors ?
C’est là l’occasion d’attirer l’attention de tous. La fête passe, la vie continue. Evitons d’y laisser la peau. Il y a bien d’autres causes plus nobles pour lesquelles on pourrait risquer de donner sa vie. En tout cas, moi, je prendrai le car : direction mon village. Là, il n’y a pas de circulation dense. On se connaît tous là-bas. On sait qui est qui, qui peut faire quoi. Avec mes maigres sous, eh bien je pourrai contenter bien de gens. Là-bas au moins la vie est moins chère. Là-bas, je boirai mon daan, mon raam qui me manque tant quand je suis dans la capitale. Oups, j’oubliais, il y a le fameux bal-poussière. Je salive déjà ! On dansera le peni peni, le dombolo, le makosa, le souk, on sautera, on se piétinera pour ensuite demander pardon, à l’air libre ! Ah vous n’imaginez pas comment ça se passe là-bas, chez moi au village. Tenez, je vous y invite… La fête au village.
Aris Kus
MISSIVE A TONTON SYMPHORIEN SOMDA
Je ne sais pas si vous pourrez lire ce message sur le net ou ailleurs, mais j’ai tout de même foi que « les morts ne sont pas morts ». C’est pourquoi, cher oncle je vous écrit cette missive. Je ne sais pas à quelle adresse l'envoyer, vu que vous ne nous l’avez indiquée avant votre « grand voyage ». A la veille de ce deuxième anniversaire de votre départ impromptu, mon coeur s'épanche encore de douleur en vous adressant ce mot.
©Aris SOMDA
En effet, le dimanche 21 juin 2015, alors que je revenais de mon « salamalech » dominical, j’ai eu peur de rentrer prendre mon téléphone portable que j’avais délibérément laissé en chambre, craignant le pire. Et le pire s’invita !
Je vis un appel en absence dès que je pris le téléphone. C’était tantie Catherine qui venait de me manquer. J’hésitai à la rappeler mais pris mon courage à deux mains comme un enfant qui vient son redoutable camarade de classe dans la rue, tout seul. Je pris donc mon téléphone, tout doucement, mais sûrement, je me disais qu’elle allait me dire le contraire de ce que je craignais. Et finalement, elle m’annonça : « tu as appris la nouvelle non ? tonton n’est plus. On est à la morgue ». Je n’eus pas la force de dire un seul mot et déjà le film de votre vie me venait en tête. Et c’est la dernière partie de ce film qui me tourmentait le plus.
Une semaine, et oui, une semaine que vous avez passé sans pouvoir avalé une gouttelette de salive. Vous avez souffert lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche : cela me rappelle les sept jours de la création : il y eut un matin, il y eut un soir. Et nous espérâmes tous que vous recouvririez vite au prix de quelques séquelles.
Vous devriez vous rendre à Dissin le jour même où vous ressentîtes le malaise pour former de jeunes journalistes, comme un vétéran devant des novices. Mais c’est plutôt une escorte funéraire qui vous y conduira dans votre village d’origine : Dissin Gora.
J’ai encore souvenance de cet instant à la morgue où tante Kouloum (Flore) s’écroula certainement sous le coup de la douleur en accourant : « ça fait mal, ahahaa ». Je me souviens de toutes ces personnes désemparées qui ont accouru dès l’annonce de la nouvelle. Comment est-ce possible ? Tonton Symphorien est morrrttt !!!
Je n’oublierai jamais la joie que vous aviez de vivre malgré les impedimenta, les coups bas d’ici-bas. J’aimais bien votre détermination à donner bonne image à la grande et belle famille Kusiélé. D’enseignant du primaire, vous êtes devenu une référence en journalisme radio à la chasse de l’information pour « éduquer » le peuple.
Je retiens également que vous étiez un homme simple, ouvert, de bonne humeur avec ce rire caverneux dont vous seul aviez le secret et la subtilité.
Vous manquez énormément à vos collègues, vos amis, vos proches, et surtout votre famille. Vous manquez à votre femme, à Lynda et Prima, à Orly, votre petite-fille que vous n'avez pas pu voir, et à moi aussi.
Pour ma part, j’espère que la terre de Dissin Gora vous est légère. Je suis là où vous-même n’ignorez pas, tentant de relever d’énormissimes défis. J’espère aussi que vous pensez à nous là où vous êtes et que vous veillez sur nous ici bas.
En tout cas, deux ans après votre départ, nous peinons à croire cette réalité pourtant si têtue ! Grand-maman, qui est votre maman, vous pleure souvent. Elle aurait préféré partir à votre place. Mais hélas, elle souffre dans son for intérieur de devoir vivre sans vous, vous qui ressembliez tant à son défunt mari, Monsieur Lucas, lui aussi brutalement arraché à la vie.
Pourquoi la mort nous fait tant de peine
Mort silencieuse et violente
Mort insolite et macabre
Mort douloureuse et regrettable
Mort coléreuse et folle
Mort fantoche et louvoyeuse
Mort hypocrite et vengeresse
Mais, honte à toi! Tu ne nous arracheras pas la joie de vivre malgré l'absence que tu causes dans nos cœurs.
Nous allons triompher de toi. Tu verras.
Bref, avant de terminer, cher oncle, je voudrais vous faire part du décès de votre oncle, "tonton frère Bernard". Je sais que vous êtes déjà au courant, mais je vous informe tout de même.
A bientôt pour une autre missive, dear uncle!
Votre neveu, Aris