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Crise politique au Togo : Faure veut le dialogue mais l’opposition réclame son départ !

 

 À l’orée de la nouvelle année 2018, nous avons décidé de scruter la politique et les ambitions de certains chefs d’État africains qui pourraient porter un coup au vivre-ensemble de leurs peuples respectifs. Et pendant que nous scrutions justement ces pays africains, l’actualité nous a encore conforté une fois de plus sur un pays sur lequel nous avions jeté notre dévolu au regard des soubresauts qu’il connaît depuis août 2017. Vous l’aurez peut-être deviné qu’il s’agit du Togo. En effet, au moment où la communauté internationale s’indignait encore des incartades diplomatiques des États-Unis à travers son président Donald Trump qui a décidé de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capital d’Israël, un des rares pays africains figurait sur la liste des pays qui ont voté avec les États-Unis et Israël contre la condamnation par l’ONU du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Il s’agit bien du Togo de Faure Gnassingbé Eyadema. Mais que se passe-t-il dans ce petit pays d’Afrique subsaharienne qui connaît depuis quelques mois une crise sans précédent ? Que cache Eyadéma fils dont le père a régné de 1967 à 2005, après un coup d’État qui le portera à la tête du Togo jusqu’à sa mort ?

 

Dans son rapport rendu public mi-décembre 2017, l’Africa Performance Index (API) indique que le Togo aux côtés d’autres pays comme le Sénégal, la Tanzanie et la Côte d’Ivoire se démarquait grâce à « l’organisation de dialogues publics sur le futur de la finance, des régulations finances et de l’inclusion financière ». Une révélation qui n’est pas loin de la réalité rien qu’à fouler le pied sur la nouvelle aérogare ultramoderne et sécurisée de Lomé. Une capitale qui attire de plus en plus d’investisseurs et de touristes, sans parler parler de son port qui est en plein essor et des nombreuses banques qui y ont leur siège social. Ce qui en dit long sur le climat des affaires que l’Etat veut sain et la hargne d’en finir avec la pauvreté à travers le lancement de programmes destinés à soutenir l’entrepreneuriat dans le monde rural.

 

Mais depuis le 19 août 2017, les rues togolaises sont enclines à plusieurs manifestations suite à l’appel de l’opposant Tikpi Atchadam. On compte alors des morts et des blessés, des bâtiments incendiés, des infrastructures dégradées. Ce qui entache justement le climat social et économique. Comment en est-on donc arrivé là ?

 

L’opposition réclame le retour à la C.92 et le départ inconditionnel de Faure

 

En effet, la coalition des 14 partis politiques exige le retour à la Constitution de 1992, qui instaurait une limitation des mandats présidentiels, des réformes institutionnelles (refonte de la Commission électorale nationale indépendante, toilettage du fichier électoral) et le départ inconditionnel du président Faure. Un scénario qui ressemble fort bien à celui du Burkina Faso dont le peuple a fini par chasser Blaise Compaoré en 2014 qui, lui, voulait sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel consignée dans l’article 37 de la Constitution burkinabè.

 

Dans le cas togolais, l’amendement de trois articles de la Constitution sont à l’origine de ses manifestations. En effet, l’article 52 stipule ceci : « les députés sont élus au suffrage universel direct et secret au scrutin uninominal majoritaire à un (1) tour pour cinq (5) ans. Ils sont rééligibles. Chaque député est le représentant de la Nation tout entière. Tout mandat impératif est nul ». Quant à l’article 59, il précise que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans. Il est rééligible ». Enfin, il est dit que « l’élection du Président de la République a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un (1) tour » et qu’il « est élu à la majorité des suffrages exprimés ».

 

La nouvelle mouture dont l’avant projet est soumis à l’Assemblée Nationale limite le mandat des mandats parlementaires (députés et sénateurs) et présidentiel (5ans, renouvelable une fois) et fixe mode de scrutin pour l’élection présidentielle (scrutin uninominal majoritaire à deux tours). Tout semble alors « clean », mais pourquoi alors s’égosiller dans les rues ?

 

‘’Je suis triste pour mon pays’’

 

Selon un proche de Gnassingbé, cette réforme viserait à renouveler et à rajeunir la classe politique togolaise. En plus de cela, la limitation à deux mandats et le scrutin à deux tours sont conformes à la Constitution du 27 septembre 1992. Cependant, le pouvoir souligne la non retroactivité de ces réformes. Ce qui veut dire que Faure pourrait se présenter aux élections de 2020 et s’il l’emporte, il pourrait encore se porter candidat en 2025 et espérer quitter le pouvoir en 2030. C’est là que se situe la pomme de discorde.

 

Dans une interview donnée par ce dernier au journal Jeune Afrique, le président togolais dit comprendre, à ce sujet, « l’impatience » de ses adversaires politiques tout en appelant au respect de « l’État de droit ». Sa préoccupation serait immédiate : celle de « sortir de ce moment difficile afin que les Togolais retrouvent quiétude et sérénité et se remettre dans le sens de la marche ». Il convient même au risque lié à la réputation de son pays qui est désormais réel auprès de la communauté internationale et des investisseurs avant de s’épancher : « Je suis triste pour mon pays ».

Vrai ou faux. On ne saurait authentifier sa sincérité. Mais une chose est sûre, tant que le dialogue ne s’instaure pas vite et bien, cette situation risque fort bien de coûter la peau des fesses à une partie : l’opposition ou le parti au pouvoir ? Pour l’heure, le président Faure n’est pas prêt à quitter le pouvoir et pourrait même se présenter aux élections de 2020 si toutes ces réformes passent au crible du référendum. Mais on ne sait pas non plus exactement ses ambitions politiques.

 

En rappel, l’histoire récente de certains pays voisins du Togo a montré que la rue a souvent raison du pouvoir. Pour l’heure, l’opposition joue sur cette note et ‘’met ainsi le feu derrière’’ le président Faure afin de revenir à l’ancienne Constitution et pour qu’il lâche le pouvoir hinc et nunc. Il y aurait donc beaucoup à craindre pour ce pays s’il n’annonce pas son départ ou ne donne pas des gages de bonne foi à l’opposition en 2018.

 

Aris Kus

 

 

 

 

 

Le président Faure Gnassingbé
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09/01/2018
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